De l’utilisation poly-rythmique du triolet de noire

Les triolets de noires, de blanches, de rondes constituent parfois une difficulté dans l’apprentissage de la musique. Même quand ils sont acquis, il n’est pas toujours évident de comprendre leur intérêt ou à quoi cela va bien pouvoir lui servir.
A contrario, pour d’autres musiciens plus avancés, on peut penser que c’est acquis et qu’une fois qu’on sait les jouer, cela s’arrête là.

Or l’utilisation des triolets est multiple et très riche, particulièrement pour créer des effets poly-rythmiques ou des illusions rythmiques.

Nous allons illustrer cela avec un exemple qui, certes, sera sans doute assez complexe pour certains, mais que nous allons tenter d’expliquer pour au moins donner envie d’approfondir le sujet.

Voici l’extrait d’un concert live du grand guitariste Eric Gales qui interprète sa composition “The change in me” accompagné à la batterie par Nicholas Hayes. 

Durant tout ce titre Nicholas Hayes utilise beaucoup de triolets de noires d’une façon poly-rythmique, dans plusieurs breaks mais il va aussi jusqu’à les jouer en pattern, à peu près toujours selon le même principe.
Le but étant de comprendre le principe, nous allons nous intéresser au break de batterie que l’on voit de 0’50” à 0’55”.

Voici l’extrait en audio :

et le même avec une vitesse réduit de moitié (le son est forcement un peu dégradé).

Les plus ambitieux d’entre-vous peuvent faire une pause ici et faire le relevé par écrit 🙂

Pour les autres, voici le relevé. Le morceau étant en 4/4 binaire, le break est donc écrit dans la même métrique.
Il aurait pu être écrit en ternaire (12/8) mais aurait été déconnecté de son contexte.

Essayons maintenant de comprendre la construction de quoi il retourne.

Il s’agit donc des deux dernières mesures avant la fin de l’intro. Le break a donc comme fonction de lancer la suite en amenant un point de résolution sur le “1” de la mesure qui le suit.
Nicholas Hayes aurait pu tout simplement continuer sa rythmique durant ce deux mesures et jouer uniquement comme break les deux derniers temps ci-dessus.

La première difficulté c’est qu’il commence sur le 4ème temps et non sur le 1er comme on l’entend souvent.
Ensuite il utilise les deux triolets de noires : celui qui commence sur le temps et celui “décalé” qui commence sur la seconde croche de triolet.
Pour mémoire voici les deux triolets de noire, chacun sur une mesure entière, donc joués deux fois:

Dans le break, le premier triolet de noire est joué sur le 4ème temps, le 1er temps et s’arrête sur le 2ème temps de la première mesure complète.
C’est le fait de doubler la grosse caisse sur le 2ème temps qui fait passer au second triolet de noire “décalé”.
Le même décalage s’effectue sur le 1er temps de la 2ème mesure et faire repasser sur le premier triolet de noire.

Au niveau du charley il marque les temps important du triolet de noire en rajoutant une ouverture sur le second coup de grosse caisse quand elle est doublée, marquant ainsi le début du second triolet de noire.

Nous pourrions aller encore plus loin dans l’analyse mais le but était seulement de comprendre le principe et l’utilisation du triolet de noire dans ce contexte poly-rythmique.

On trouve ce titre sur l’album “Relentless” avec Aaron Haggerty à la batterie et sur l’album “Night on the Sunset Strip” avec Nicholas Hayes, le batteur qui joue sur la vidéo. 
Sur “Relentless”, Aaron Haggerty fait un break complètement différent. 
Par contre sur “Night on the Sunset Strip”, Nicholas Hayes fait exactement le même break ainsi que sur d’autres live.
Nous pouvons donc en déduire qu’il a travaillé et élaboré cette figure et qu’il ne s’agit pas d’une pure inspiration spontanée. D’ailleurs il reprend la même à 2’23” à 2’30” mais cette fois en tant que pattern.
Nul doute qu’il s’est penché sérieusement sur le triolet de noire, les a étudié lentement, au métronome, afin qu’ils deviennent naturels et qu’il puisse les exploiter comme on peut l’entendre a plusieurs reprises sur ce titre.

Il faut également avoir en tête que même si l’on a bien assimilé tout ça et que cela nous amuse, cela peut être déstabilisant pour les musiciens avec qui l’on joue et que cela ne sert pas toujours la musique.
Nicholas Hayes se le permet car il est sûr de lui et parce que les musiciens avec qui il joue sont eux-mêmes d’un très bon niveau. Il est sûr qu’ils vont garder le time et ne pas se perdre, ce qui pourrait être risqué.
Quand à fait que c’est au service de la musique chacun peut avoir son propre jugement…

Il n’en reste pas moins que ce break très audacieux est particulièrement réussi et produit un effet certain. Jusqu’à faire parler de lui en France…